RESUME

Dans le domaine des sciences de l'éducation, les recherches collaboratives et participatives font progressivement partie des recherches pour l'éducation (Marcel, 2016). Selon Morrissette (2013) « la recherche collaborative vise principalement un rapprochement entre le monde de la recherche et celui de la pratique professionnelle, au travers d'une démarche qui sert l'examen de cet objet en même temps qu'elle est une occasion de développement professionnel pour les participants ». Parmi la grande diversité de dispositifs se revendiquant de ce changement de paradigme, il s'agit de faire de la recherche « avec » bien davantage qu'une recherche « sur ».

Cette communication se propose d'interroger la question de la formation des enseignants et à la manière dont cette question se nourrit, malgré leurs différences, des échanges et des collaborations nées dans les années 2000, entre les sciences de l'éducation et les sciences du travail en s'engageant dans une articulation « recherche-travail-formation » (Felix & Saujat, 2015). Pour ce faire, nous illustrerons nos propos à partir d'une recherche conduite récemment au sein des ESPE/INSPE (Filippi, 2020) selon une visée, épistémique, transformative et formative des professionnels de l'éducation. En faisant l'hypothèse que la réponse institutionnelle face à la demande sociale envers l'Ecole se traduit, en France, par une succession de réformes profondes de la formation initiale des enseignants, nous interrogerons cette triple visée à l'aune des enjeux politiques et sociétaux poursuivis par les politiques éducatives en matière de formation professionnelle.

Sur le plan méthodologique, nous mettrons en débat l'intérêt qu'il y a d'associer un milieu de travail à un milieu de recherche (Oddone et al., 1981) et ce que cela implique, tant du point de vue des professionnels que des chercheurs, de coopérer dans un même milieu qui est à la fois un terrain d'expériences de travail et un environnement de recherche (Morrissette et al., 2017) : en quoi et comment cela contribue-t-il –ou pas- à favoriser le dialogue entre les professionnels de la formation, les chercheurs et les différents prescripteurs ? En quoi ce dialogue est-il la garantie d'une reconfiguration d'espace de réflexion collectif en vue d'une plus grande compréhension de phénomènes complexes ? Quels savoirs circulent d'un milieu à un autre et en quoi offrent-ils des possibilités de reconstruction de significations partagées et de partage de responsabilité entre les différents protagonistes ?

La collaboration entre le chercheur et quelques formateurs ESPE/INSPE, sous la forme d'une intervention, nous permettra d'analyser de quelles manières et à quelles conditions le double mouvement, celui de la réforme de la formation des enseignants (2013) puis celui provoqué par le cadre méthodologique mis en œuvre, a permis :

1) au chercheur de rassembler quelques formateurs autour d'un objet d'étude collectif.

2) à travers des re-normalisations individuelles et collectives, d'engendrer des transformations sur le travail des formateurs d'enseignants pour regagner du « pouvoir d'agir » sur des situations de travail inédites.

En conclusion, le propos cherchera à mettre en débat la place de l'analyse du travail et des méthodologies indirectes fondées sur la collaboration entre protagonistes pour saisir le développement de l'activité des sujets dans l'histoire des transformations de leur milieu de travail.

MOTS-CLES : Recherche collaborative, formation des enseignants, activité, pouvoir d'agir, intervention

ABSTRACT :

Collaborative and participatory research is gradually becoming part of educational research in the educational sciences (Marcel, 2016). According to Morrissette (2013), "collaborative research aims primarily at bringing the world of research and the world of professional practice closer together, through an approach that serves the examination of this object while at the same time providing an opportunity for professional development for the participants". Among the great diversity of mechanisms claiming to be part of this paradigm shift, it is a question of doing research "with" much more than research "on".

This paper proposes to question the question of teacher training and how this question is nourished, despite their differences, by the exchanges and collaborations that have arisen in the 2000s between the educational sciences and the labour sciences by engaging in a "research-work-training" articulation (Felix & Saujat, 2015). In order to do this, we will illustrate our remarks on the basis of research recently conducted within the ESPE/INSPE (Filippi, 2020) with an epistemic, transformative and formative focus on education professionals. Assuming that the institutional response to the social demand for schooling in France is reflected in a succession of profound reforms of initial teacher training, we will examine this threefold aim in the light of the political and societal challenges pursued by educational policies in the area of professional training.

From a methodological perspective, we will discuss the value of associating a work environment with a research environment (Oddone et al., 1981) and what this implies, from the point of view of both professionals and researchers, of cooperating in the same environment that is both a field of work experience and a research environment (Morrissette et al., 2017): in what way and how does this contribute - or not - to fostering dialogue between training professionals, researchers and the various prescribers? In what way does this dialogue guarantee a reconfiguration of the space for collective reflection with a view to greater understanding of complex phenomena? What knowledge circulates from one environment to another and how does it offer possibilities for reconstructing shared meanings and sharing responsibility between the different protagonists?

The intervention carried out with some ESPE/INSPE trainers will enable us to analyse in what ways and under what conditions the double movement, that of the reform of teacher training (2013) and that provoked by the methodological framework implemented, has made it possible:

1) the researcher to gather a few trainers around a collective object of study.

2) through individual and collective re-normalization, to bring about changes in the work of teacher educators in order to regain "power to act" on new work situations.

In conclusion, the paper will seek to discuss the place of work analysis and indirect methodologies based on collaboration between protagonists in order to grasp the development of the subjects' activity in the history of transformations in their work environment.

KEYWORDS: Collaborative research, training of teachers, activity, power of act, intervention

REFERENCES

Felix, C., & Saujat, F. (2015). L'intervention-recherche en milieu de travail enseignant comme moyen de formation. In V. Lussi-Borer, M. Durand, & F. Yvon, Analyse du travail et formation dans les métiers de l'éducation (Vol. 19, p. 201‑218). De Boeck Supérieur.

Filippi, P.-A. (2020). Les ressources psychosociales comme instruments de reprise du pouvoir d'agir : Le cas de formateurs d'enseignants en ESPE confrontés à un nouveau dispositif de formation [Phdthesis, Aix-Marseille Université].

Morrissette, J., Pagoni-Andreani, M., & Pepin, M. (2017). Les recherches collaboratives en éducation et en formation : Référents théoriques, outils méthodologiques et impacts sur les pratiques professionnelles. Phronesis, 6(1‑2), 1–7.

Oddone, I., Ré, A., & Briante, G. (1981). Redécouvrir l'expérience ouvrière : Vers une autre psychologie du travail ? Les éditions sociales.