RÉSUMÉ
Le système politique suisse fait figure d'exemple à travers le monde de par ses spécificités : c'est un système fédéral construit sur un régime de démocratie directe participative. Cela signifie que les décisions politiques sont prises à l'échelle locale et qu'elles reposent, en partie, sur les citoyens. Il fonctionne, en outre, sur l'idée que les partis politiques ont la capacité de créer des consensus. Si l'on suit Lascoumes (2009), un consensus renvoie à la rencontre de représentations divergentes. Or, s'il est bien un domaine dans lequel émergent des controverses, c'est celui de l'éducation (Vergnioux, 2013 ; Buisson-Fenet et van Zanten, 2014).
Cette communication traite d'une réforme de l'enseignement secondaire I dans le canton de Genève, impulsée par les citoyens et implantée en 2011. Avec la réforme, le système de filières est renforcé ; les élèves sont orientés dès la 9ème (équivalent de la 6ème de collège) dans trois filières distinctes aux niveaux d'exigence hiérarchisés. La réforme oppose deux camps éloignés en termes de position sur l'échiquier politique et de représentations de ce qu'est un système juste. Le processus politique et le vote populaire ont pourtant abouti à une réforme présentée par beaucoup comme un consensus, mais dont l'analyse révèle qu'il s'agit plutôt d'un compromis de circonstance. En 2019, le Département de l'instruction publique (DIP) annonce que le secondaire I produit trop d'inégalités. Il souhaite le réformer et met en place un processus de concertation.
Cette communication se base sur deux sources empiriques. La première est issue d'une enquête soutenue par le Fonds National Suisse[1]. Elle repose sur l'analyse des débats parlementaires qui précèdent l'implantation de la réforme. La seconde est constituée d'un corpus d'entretiens (Responsable du DIP, députés parlementaires, membres de syndicats) issus d'une recherche en cours qui analyse la nouvelle réforme « en train de se faire ». A partir de ces matériaux, nous questionnons les ressorts de la nouvelle réforme afin de voir si elle s'explique par un échec du consensus de 2011, entre autres parce que les représentations sur la place et la légitimité des inégalités scolaires étaient trop divergentes.
Pour ce faire, nous analysons les transcriptions des débats parlementaires datant de la première réforme et les confrontons aux transcriptions des entretiens qui traitent de la nouvelle réforme. Notre démarche articule l'analyse thématique et l'analyse lexicale.
MOTS-CLÉS
Démocratie directe participative, Consensus, Inégalités scolaires
ABSTRACT
The Swiss political system is an example throughout the world because of its specific features: it is a federal system built on a system of participatory direct democracy. This means that political decisions are taken at the local level and are based, in part, on the opinion of the citizens. It also operates on the idea that political parties have the capacity to create consensus. Following Lascoumes (2009), consensus refers to the meeting of divergent representations. Now, there is a lot of controversy about education issues (Vergnioux, 2013; Buisson-Fenet and van Zanten, 2014).
This paper discusses a citizen-driven reform of lower secondary education school in the canton of Geneva that was implemented in 2011. With the reform, the system of ability grouping is strengthened; students are oriented from the 9th grade onwards in three distinct hierarchical tracks. The reform opposes two groups of parties that are distant on the political spectrum and that have different representations of what a fair educational system is. Nevertheless, the political process and the vote of the population have led to a reform presented by many as a consensus. However, our analysis reveals that it is rather a circumstantial compromise. In 2019, the Department of Public Education of Geneva announces that lower secondary school produces too many inequalities. It wants to reform it again and sets up a consultation process.
This communication is based on two empirical sources. The first is the result of a research funded by the Swiss National Science Foundation (SNF). It is based on the analysis of the Parliamentary debates that precede the implementation of the 2011 reform. The second empirical source is made up of interviews of the Head of Department, deputies, and union activists, conducted as part of an ongoing research project which analyses the new reform "in the making".
To do so, we first analyze the transcripts of parliamentary debates dating from the first reform. Then, we compare those results with the transcripts of the interviews regarding the new reform. Our approach utilizes two methods of discourse analysis: thematic content analysis and lexical analysis, whose central functionality is lexicometry.
Ultimately, we question the new reform to see whether it is due to a failure of the 2011 consensus or to divergent representations of the place and legitimacy of educational inequalities.
[1] « Comment organiser l'enseignement secondaire obligatoire ? Une étude des réformes scolaires et de leurs effets dans trois cantons romands » (100019_156702/1).
KEY WORDS
Participatory Democracy, Consensus, Educational Inequalities
REFERENCES
Buisson-Fenet, H. & van Zanten, A. (2014). 5 sciences politiques et éducation. In Beillerot, J. et al., Traité des sciences et des pratiques de l'éducation (pp. 53-63). Paris : Dunod, coll. « Psycho Sup ».
Lascoumes, P. (2009). Les compromis parlementaires, combinaisons de surpolitisation et de sous-politisation. L'adoption des lois de réforme du Code pénal (décembre 1992) et de création du Pacs (novembre 1999). Revue française de science politique, 59(3) : 455-478.
Vergnioux, A. (2013). Grandes controverses en éducation. Berne : Peter Lang, coll. « Exploration ».