RÉSUMÉ
Si les termes lire, écrire et compter sonnent comme les exigences minimales envers l'école, c'est bien en raison des potentialités que chacun des verbes mentionnés renferme. Qu'ils soient linguistiques, scolaires, culturels, sociaux ou professionnels, les enjeux liés à la langue écrite permettent, en guise de propos introductif, de rappeler l'importance des travaux dans ce domaine.
En nous centrant sur le lire, que nous définirons comme « être capable de transformer des marques sur le papier, sur la matière, en un texte qui nous parle » (Dehaene, 2015), nous pouvons rappeler que cela est impossible sans « un apprentissage systématique et explicite des principales règles ou associations grapho-phonologiques » (Ziegler, 2018, p. 36), amenant progressivement à l'automatisation que connaît le lecteur expert. Or, cette automatisation demande du temps, une supervision individuelle et de nombreuses répétitions (Lassault & Ziegler, 2018) : autant d'éléments difficilement compatibles avec la forme scolaire classique. Ainsi, le recours aux outils numériques apparaît prometteur, surtout quand il permet d'avancer des résultats comme ceux produits par l'équipe finlandaise du professeur Lyytinen grâce au logiciel GraphoGame. Depuis, une équipe de chercheurs français a adapté ledit logiciel à la langue de Molière, et conduit une recherche à grande échelle (Lassault & Ziegler, 2018).
Notre contribution vise maintenant à étudier, parallèlement, la mise en œuvre d'un tel dispositif dans les classes, amenant des enseignants de cours préparatoire à collaborer avec ces nouvelles technologies ; aussi, après avoir pris appui sur des travaux de psychologie cognitive, nous nous plaçons dans un cadre didactique pour analyser, au niveau de la classe – par conséquent au sein de la dimension institutionnelle que cela implique – la façon dont les enseignants travaillent avec ce logiciel, et plus généralement ce qu'il en est de la relation enseignement-apprentissage durant la lecture sur tablettes par un groupe d'élèves.
Les séances de classe considérées sont réalisées dans le cadre du projet Lemon, et analysées grâce à la théorie de l'action conjointe en didactique (Sensevy, 2019).
Les résultats obtenus visent autant à favoriser les recherches didactiques prenant appui sur la psychologie cognitive qu'à contribuer au transfert des résultats obtenus dans l'institution scolaire : qu'il s'agisse de la formation initiale ou continue des enseignants, le « divorce partiel, dangereux et pénible, entre le milieu des praticiens et celui des scientifiques » évoqué par José Morais (cité par Sprenger-Charolles et Desrochers, 2018) paraît perdurer. Un quart de siècle plus tard, nous voulons montrer qu'il est possible d'y remédier, tant au niveau institutionnel qu'au niveau épistémologique.
MOTS-CLÉS
lecture, didactique, enseignement, apprentissage
ABSTRACT
If read, write and count sounds like the minimum requirements for school, it is because of the potentialities contained in each verb mentioned. Whether linguistic, academic, cultural, social or professional, the issues related to written language serve as an introductory reminder of the importance of work in this field.
By focusing on reading, which we will define as « being able to transform marks on paper, on matter, into a text that speaks to us » (Dehaene, 2015), we can recall that this is impossible without « systematic and explicit learning of the main grapho-phonological rules or associations » (Ziegler, 2018, p. 36), gradually leading to the automation that the expert reader knows. However, this automation requires time, individual supervision and many repetitions (Lassault & Ziegler, 2018) : all these elements are hardly compatible with the classical school form. Thus, the use of digital tools appears promising, especially when it allows to advance results such as those produced by the Finnish team of Professor Lyytinen thanks to the GraphoGame software. Since then, a team of French researchers has adapted this software to the language of Molière, and is conducting large-scale research (Lassault & Ziegler, 2018).
Our contribution now aims at studying, in parallel, the implementation of such a device in classrooms, bringing teachers of preparatory courses to collaborate with these new technologies ; also, after having taken advantage of work in cognitive psychology, we place ourselves in a didactic framework to analyze, at the classroom level – therefore within the institutional dimension that this implies – the way teachers work with this software, and more generally what it is about the teaching-learning relationship during reading on tablets by a group of students.
The classroom sessions under consideration are carried out within the framework of the Lemon project, and analyzed using the theory of joint action in didactics (Sensevy, 2019).
The results obtained are intended both to promote didactic research based on cognitive psychology and to contribute to the transfer of the results obtained to the school institution : whether in the initial or in-service training of teachers, the « partial, dangerous and painful divorce between the worlds of practitioners and scientists » referred to by José Morais (cited by Sprenger-Charolles and Desrochers, 2018) seems to be continuing. A quarter of a century later, we want to show that it is possible to remedy it, both institutionally and epistemologically.
KEYWORDS
Reading, didactic, teaching, learning.
REFERENCES
Dehaene, S. (2015). Fondements cognitifs de la lecture. Cours. Paris : Collège de France. Repéré le 14 avril 2020 à https://www.college-de-france.fr/site/stanislas-dehaene/course-2015-02-24-09h30.htm
Lassault, J., & Ziegler, J. C. (2018). Les outils numériques d'aide à l'apprentissage de la lecture. Langue française, 3(199), 111-121.
Sensevy, G. (2019). Didactique pour enseigner. Rennes : Presses universitaires de Rennes.
Sprenger-Charolles, L., & Desrochers, A. (2018). Introduction. Langue française, 3(199), 5-16.
Ziegler, J. C. (2018). Différences inter-linguistiques dans l'apprentissage de la lecture. Langue française, 3(199), 35-49.