Cosituation, coopération et coproduction dans un protocole de recherche : exemple d'une recherche collaborative en école d'immersion anglais
Véronique Lemoine Bresson  1@  , Latisha Mary  2  , Anne Choffat-Durr  3  
1 : Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française
Université de Lorraine, Centre National de la Recherche Scientifique : UMR7118
2 : LILPA
LILPA Strasbourg
3 : ATILF
ATILF CNRS

RESUME
cette communication porte sur une recherche collaborative dans une visée transformative où notre équipe de recherche travaille ‘avec' les enseignants, plutôt que ‘sur' eux (Morrissette, Pagoni et Pépin, 2017). La recherche interroge un dispositif d'immersion en anglais en primaire mis en place en 2011 suite à la formation d'enseignants aux États-Unis, dans le contexte du Programme Jules Verne. D'autre part, elle s'emploie à « ouvrir des portes » vers de nouvelles pratiques bi-plurilingues dans ce contexte, avec l'équipe de l'école. Afin de concilier les demandes de l'institution, de l'équipe enseignante et de la recherche, nous avons construit une démarche en deux temps. Nous avons d'abord mené une recherche descriptive et compréhensive de la situation particulière de cette école, pour ensuite mettre en place des investigations empiriques ajustées, en fonction de ce qui émergeait des séances de travail avec les enseignants.

Dans cette communication, nous présentons dans un premier temps notre protocole méthodologique basé sur un système d'alternance de trois étapes de cosituation, de coopération et de coproduction (Bednarz, 2013). Dans un second temps, nous discutons les résultats issus de nos analyses. Les volontés d'agir des enseignants et de transformer leurs pratiques sont en tension entre confiance dans leurs savoirs d'expérience, remise en question d'injonctions institutionnelles et appropriation de savoirs scientifiques.

Le choix réalisé par notre équipe de chercheures a été de construire des entretiens avec les enseignants et les encadrants institutionnels (Bailly, Choffat-Dürr, Lemoine-Bresson, Lerat et Mary, 2020), puis de faire en alternance des observations de classes, des sessions d'auto-confrontations croisées et de focus groups centrés sur des échanges et des discussions à partir des savoirs d'expériences des enseignants et d'apports théoriques sélectionnés. À l'issue de presque deux années de travail collaboratif recherche-terrain en école d'immersion, cette communication est l'occasion d'interroger notre choix de protocole méthodologique.

Nos analyses se sont portées sur un corpus constitué de onze entretiens semi-directifs faits au démarrage de la recherche, de trois auto-confrontations croisées sur des moments choisis de pratiques ayant eu lieu au bout de six mois de coopération, et d'une discussion en focus group à la fin d'une année de travail commun, tous enregistrés et transcrits. Nous mobilisons en première approche une analyse de contenu pour repérer comment se traduisent les effets de nos choix méthodologiques sur les appréciations des enseignants et leurs déclarations de transformations dans leurs pratiques, ainsi que de leur conception de l'immersion. Dans une seconde approche nous mobilisons une analyse du discours pour repérer à partir de marques discursives des traces de résistance au changement et des traces d'idéologie concernant l'apprentissage en immersion.

Nous avons observé une variabilité dans la capacité à réutiliser des activités menées en contexte immersif étasunien, à s'investir dans de nouvelles pratiques qui bousculent les idéologies linguistiques ancrées dans le monolinguisme au détriment des apports du plurilinguisme et des langues de la maison (Mary et Young, 2017).

MOTS-CLES
Recherche collaborative, immersion, enseignants, primaire

ABSTRACT
This paper focuses on a collaborative research project with a transformative aim in which the research team worked ‘with' teachers, rather than ‘on' them (Morrissette, Pagoni and Pépin, 2017). The research explores and investigates a bilingual French/English immersion programme at an elementary school in the East of France. This programme initiated in 2011 following the training of several teachers in the United States, in the context of the Jules Verne Program. The objectives of the research partnership were also to "open avenues" to new bi-plurilingual practices among the teaching staff within this immersion context. In order to reconcile the demands of the institution, the teaching staff and the researchers, a two-stage methodology was adopted. First a descriptive and comprehensive study of the particular situation of this school was carried out and then conducted empirical investigations were conducted, based on the most salient elements emerging from the initial work sessions with the teachers.

The paper firstly presents the methodological protocol chosen for the research comprised of the following three alternating stages : co-location, cooperation and co-production (Bednarz, 2013). Secondly, the results of the analysis are discussed, in particular : 1) the teachers' willingness to act and to transform their practices and 2) the tension between confidence in their prior knowledge and experience, questioning of institutional injunctions and appropriation of scientific knowledge.

The methodological protocole includes semi-structured interviews with the classroom teachers and institutional supervisors (Bailly, Choffat-Dürr, Lemoine-Bresson, Lerat and Mary, 2020), classroom observations, recorded collective self-confrontations and focus group interviews. They are based on topics that emerged during discussions with the researchers and work sessions dealing with selected theoretical contributions. After almost two years of collaborative field research, this paper intends to examine and evaluate the methodological choices implemented in this protocol.

The results of the analysis show variability in the teachers' capacity to implement activities which had been carried out in an American immersive context and their willingness to engage in new practices which conflicted with linguistic ideologies anchored in monolingualism inhibiting the development of plurilingual competencies and the valuing of home languages (Mary and Young, 2017).

KEY WORDS
Collaborative research, bi-plurilingual education, primary school, teachers

REFERENCES
Bailly, S., Choffat-Dürr, A., Lemoine-Bresson, V., Lerat, S., & Mary (2020). Dispositif d'immersion en primaire : discours d'enseignants et d'encadrants comparés. Langues Modernes, 1, 30-39.
Bednarz, N. (2013). Recherche collaborative et pratique enseignante. Regarder ensemble autrement. Paris : L'Harmattan.Mary, L., & Young, A. S. Engaging with emergent bilinguals and their families in the pre-primary classroom to foster well-being, learning and inclusion. Language and Intercultural Communication, 17(4), 455-473.
Morissette, J., Pagoni, M., & Pépin, M. (2017). De la cohérence épistémologique de la posture collaborative. Phronesis, 6(1), 1-7.


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