Contribution à la didactique du FLS, cette communication s'appuie sur des apports de la sociolinguistique à la notion de francophonie(s).
Elle propose une réflexion, fondée sur des recherches exploratoires mobilisant des approches artistiques menées auprès de d'élèves primo-arrivants (Lorilleux 2015, Huver & Lorilleux, 2018) et interroge l'articulation des langues des élèves à la langue scolaire, au prisme de la réception (Feussi, 2018, Lorilleux et Castellotti, 2018).
Quelle expérience ces enfants ont-ils de la langue de l'école ? Quels rapports, quels articulations peuvent-ils instaurer entre ces différentes langues qui les constituent comme individus ? S'agit-il d'une « dis-location », scission soudaine du sujet « en deux langues non seulement différentes mais antagonistes » comme l'écrit M. Ferrier[1] ? Comment se joue, du point de vue de leur expérience, mais aussi de leur accueil à l'école, « ce problème majeur de notre temps, celui de la rencontre et de la différence, de la multitude des langues et des usages, de leur fécondation énigmatique » (ibid.)?
Pour répondre à ces questions, il ne s'agit pas seulement de mobiliser des témoignages, mais de partir d'une conception des langues qui ne se limite pas à la question de la maitrise de systèmes linguistiques plus ou moins normés, légitimés à l'école.
La communication présente une conceptualisation du français ne partant plus de sa description (à visée plus ou moins normative), mais du français comme langue constitutive de l'expérience des francophones (parmi lesquels ceux dont la francophonie est qualifiée de « défaillante » (Armagnague et Tersigni, 2019), quel que soit leur degré de maitrise du français, quelle que soit la reconnaissance de la légitimité de leur langue. L'idée est la suivante : le français n'est plus le seul apanage de l'école, il est pluriel, et toujours singulier. Autrement dit, ses manifestations sont variées (plurielles), mais à y regarder de plus près - selon une conception humboldtienne de la langue - toute actualisation du français est toujours singulière, aussi normée, aussi standardisée soit-elle. La langue ne peut donc plus être considérée uniquement comme homogène, mais toujours nécessairement hétérogène, à la fois héritée, transmise, partagée et toujours fondamentalement singulière. Au-delà de la langue, envisagée comme système de signes normalisé, il s'agit ici d'interroger ce que le langage fait des personnes dont il est, parmi d'autres phénomènes, constitutif.
Forme de réponse d'une actrice (chercheure) de la didactique des langues, cette approche cherche à éclairer d'un nouveau jour les catégories de « francophonie » et d'« allophonie », mobilisées par l'institution scolaire, et à bousculer les représentations qu'elles véhiculent. Il s'agit de penser à partir de l'hétérogénéité de « la langue » comme expérience, pour poser autrement la question des conséquences des inégalités sur la maitrise des langues et des apprentissages.
[1] Ferrier, M. (à par.) « No man's langue » : pour une approche transnationale et transdisciplinaire de l'« insecurite linguistique », in Feussi et Lorilleux, (In)sécurité linguistique en francophonies - Perspectives in(ter)disciplinaires, Paris, L'Harmattan, (sous presse)
MOTS CLES
didactique des langues - FLS - allophonie (s) - francophonie (s) – diversité
Thinking the plurality of Francophonies, against the "failing Francophonie"
ABSTRACT
Contribution to the didactics of the FSL, this communication is based on contributions from sociolinguistics to the concept of Francophonie (s).
It offers a reflection, based on exploratory research mobilizing artistic approaches carried out with newcomer students (Lorilleux 2015, Huver & Lorilleux, 2018) and questions the articulation of the students' languages with the schooling language, through the prism of reception (Feussi, 2018, Lorilleux and Castellotti, 2018).
What experience do these children have of the school language? What relationships, what articulations can they establish between these different languages which constitute them as individuals? Is this a "dis-location", a sudden split of the subject "in two languages not only different but antagonistic" as M. Ferrier[1]writes ? How is "this major problem of our time, that of encounter and difference, of the multitude of languages and uses, of their enigmatic fertilization ”(ibid.)played out, from the point of view of these children's experience, but also of their schooling?To answer these questions, not only will testimonies be mobilised, but a conception of languages will be explored, which is not limited to the the fact of mastering more or less standardized linguistic systems, legitimized in school.This communication presents a conceptualization of French, no longer based on its description (with a more or less normative aim). A conceptualization of French seen as the constitutive language of the experience of the Francophones, (among whom those whose francophonie is described as "failing" (Armagnague and Tersigni, 2019), regardless of their level of proficiency in French, regardless of the recognition of the legitimacy of their language. The idea is as follows: French is no longer the sole prerogative of the school, it is plural, and always singular In other words, its manifestations are varied (plural), but on closer inspection - according to a Humboldtian conception of language - any manifestation of French is always singular, as standardized as it is. Therefore can language no longer be considered exclusively as homogeneous, but always necessarily heterogeneous, at the same time inherited, transmitted, shared and always fundamentally singular. Beyond language, considered as a standardized sign system, the point here is to question what language does do to people of which it is, among other phenomena, constitutive.
As a response from a social actor (researcher) in language teaching, this approach seeks to shed new light on the categories of "Francophonie" and "Allophonie", mobilized by the educational institution, and to shake up the representations they convey. This entails thinking on the basis of the heterogeneity of "language" as an experience, in order to pose, in a different way, the question of the consequences of inequalities on the mastery of languages and learning.
KEYWORDS
anguage didactics - FSL - allophony (s) - francophonie (s) - diversity
REFERENCES
Armagnague, A., & Tersigni, S. (2019). « L'émergence de l'allophonie comme construction d'une politique éducative. Le traitement scolaire des enfants migrants en France », Émulations, n° 29.
Feussi, V. 2018 Francophonies – relations – appropriations. Une approche historicisée et expérientielle des « langues ». Synthèse d'habilitation à diriger des recherches. Université de Cergy-Pontoise
Huver, E., Lorilleux, J. (2018) « Démarches créatives en DDdL : créativité ou poïesis ? », Lidil [En ligne], 57 | 2018, mis en ligne le 01 mai 2018, consulté le 29 avril 2020. URL : http://journals.openedition.org/lidil/4885 ; DOI : https://doi.org/10.4000/lidil.4885
Lorilleux, J. (2015). Écritures transformatives. Quand des élèves allophones deviennent auteurs, ou de l'appropriation à l'émancipation (Thèse de doctorat). Université François Rabelais, Tours.
Lorilleux J. et Castellotti, V. (2018) « Face à l'idéologie uniciste, une éducation émancipatrice » in E. Suzuki & al. Penser la didactique du plurilinguisme et ses mutations : idéologies, politiques, dispositifs. Presses Universitaires de Rennes, pp. 17 - 26
[1] Ferrier, M. (à par.) « No man's langue » : pour une approche transnationale et transdisciplinaire de l'« insecurite linguistique », in Feussi et Lorilleux, (In)sécurité linguistique en francophonies - Perspectives in(ter)disciplinaires, Paris, L'Harmattan, (sous presse)