La dictée : une création complexe médiateur d'apprentissage
Odile Fleury  1@  
1 : Centre interdisciplinaire de recherche normand en éducation et formation
Université de Caen Normandie : EA7454

Cet article rend compte d'une recherche doctorale qui questionne les pratiques des enseignants, à travers l'usage de la dictée au cycle 3, telles qu'elles sont mises en œuvre, pensées et déclarées. Nos travaux de recherche ne s'inscrivent pas dans le paradigme de la didactique du français. Aussi, les questions de variables didactiques et d'objets de savoir y sont abordés sous le prisme des pratiques enseignantes.
Pour se focaliser sur les dimensions pédagogiques, l'analyse qualitative compréhensive porte sur une triangulation de données : les pratiques observées et filmées de 18 séances de dictée, les pratiques déclarées et recueillies à l'aide d'entretiens d'auto-confrontation auprès des 18 enseignants observées et les pratiques perçues par les élèves relevées à l'aide d'entretien d'auto-confrontations auprès d'un groupe de quatre élèves par classe.
La séance de dictée, vue de loin, peut être descriptible de manière très simple si on l'observe à distance sans intention déclarée. Or, elle apparait complexe et épaisse au regard de la multitude de gestes qui composent cette activité. C'est pourquoi, afin d'accéder à la variabilité de ces gestes professionnels mis en œuvre lors des séances de dictée et les invariances dans cette variation, un outil conceptuel d'analyse contextualisé mobilisant trois cadres théoriques récents le multi-agenda de D.BUCHETON (2009), les focales de R.GOIGOUX (2016) et l'étude des pratiques enseignantes de M.BRU (2002 et 2004) a été conçu en entrecroisant ces cadres théoriques.
Les premiers résultats font apparaitre que la dictée, jusqu'alors un exercice emblématique évaluant une maitrise orthographique, est réinventée afin de devenir un médiateur d'apprentissage. En effet, les enseignants observés et interrogés ont pour volonté de donner du sens aux questionnements et aux raisonnements des élèves, tel que le préconisent D.COGIS et C.BRISSAUD (2011) avec les cinq principes qui fondent un enseignement raisonné de l'orthographe.
Afin de donner du sens à l'activité de dictée, les enseignants observés combinent des gestes professionnels et créent ainsi de nouvelles pratiques de la dictée.
Plusieurs indicateurs attestent de cette créativité, tout d'abord les phases diverses et variées qui composent la pratique de la dictée, puis les finalités de la dictée exprimées par les enseignants interrogés et enfin la perception que les élèves ont de ces pratiques.
Bien que la pratique de la dictée semble réinventée, nous observons un invariant dans la variabilité de ces pratiques qui nous questionne. La dictée peut présenter un caractère évaluatif à la fois sommatif et formatif.
Comment une pratique peut-elle être à la fois une modalité d'évaluation sommative et une situation favorisant les apprentissages ? Les élèves perçoivent-il la volonté de l'enseignant de les placer dans une dynamique formatrice le renseignant sur l'état d'acquisition de leurs compétences ? Les gestes créatifs mis en œuvre dans la pratique de la dictée ont-ils une influence sur l'engagement des élèves et sur leur réussite scolaire ? Quel sens les élèves donnent-ils à ces pratiques de dictées réinventées ? 

MOTS-CLES :
Dictée, pratiques des enseignants, gestes professionnels, variabilité didactique, apprentissage, créativité

ABSTRACT :
This article reports on doctoral research, which answers to teachers' practices – across the dictation's use, in cycle 3, as they are implemented, thought out and declared.
Our research does not fit into the paradigm of French didactics. Also, the questions of didactic variables and knowledge objects are approached through the prism of teaching practices.
To focus on the educational dimensions, the comprehensive qualitative analysis involves a triangulation of data : the practices observed and filmed during 18 dictation sessions, the practices declared and collected using self-confrontation interviews with the 18 teachers observed and the practices perceived by the students recorded using interviews with self-confrontations with a group of four students per class.
The dictation session, seen from a distance, can be described in a very simple way if it is observed from a distance without any stated intention. However, it appears complex and thick in view of the multitude of gestures that make up this activity. This is why, in order to access the variability of these professional gestures implemented during dictation sessions and the invariances in this variation, a conceptual tool for contextualized analysis mobilizing three recent theoretical frameworks the multi-agenda of D. BUCHETON (2009), the focal points of R.GOIGOUX (2017) and the study of teaching practices of M.BRU (2002 and 2004) were designed by intersecting these theoretical frameworks.
The first results show that dictation, until then an emblematic exercise evaluating spelling skills, is being reinvented in order to become a learning mediator. Indeed, the teachers observed and questioned want to give meaning to the questions and reasoning of the students, as recommended by D. COGIS and C. BRISSAUD (2011) with the five principles which are the basis of a reasoned teaching of spelling.
In order to give meaning to the dictation activity, the teachers observed combine professional gestures and thus create new dictation practices.
Several indicators attest to this creativity, first of all the various and varied phases that make up the practice of dictation, then the purposes of dictation expressed by the teachers questioned and finally the perception that the students have of these practices.
Although the practice of dictation seems to be reinvented, we observe an invariant in the variability of these practices that questions us. Dictation can have an evaluative nature that is both summative and formative.
How does this practice could be both a summative evaluation modality and a situation that encouraging learning ? Do the students perceive the teacher's desire to place them in a formative dynamic informing them about the state of acquisition of their skills ? Do the creative gestures implemented in the practice of dictation have an influence on student engagement and their academic success ? What meaning do the students give to these reinvented dictation practices?

KEYWORDS :
Dictation, teachers' practices, professionals' gestures, didactic variability, learning, creativity. 

REFERENCES :
BRU, M. (1991). Les variations didactiques dans l'organisation des conditions d'apprentissage. Toulouse : Éditions Universitaires du Sud.
BUCHETON, D. (2019). Les gestes professionnels dans la classe. Ethiques et pratiques pour les temps qui viennent. Paris : ESF Sciences humaines
COGIS, D. & BRISSAUD, C. (2011) Comment enseigner l'orthographe aujourd'hui ? Hatier.
GOIGOUX, R. (2016) : Quels savoirs utiles aux formateurs ? IFé – Ens de Lyon. 17.11.2016 [en ligne]. Consulté le 11.12.2017. http://centre-alain-savary.ens-lyon.fr/CAS/nouvelles-professionnalites/formateurs/roland-goigoux-quels-savoirs-pour-les-formateurs


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